retour sur @lyon coup de coeur du jour discussion roulette meteo locale Le bruit et l'odeur retour
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dessin jean-christophe Martinez

Tout comme le remarqua notre cher Président, au cours d'une virée provinciale plutôt houleuse, mais néanmoins fertile en ce sens qu'elle permit à un groupe de rap de nous gratifier d'un pamphlet sonore aussi original que corrosif, nous sommes (nous les habitants de cette terre) cernés par le bruit et l'odeur.
Force est de constater que ce lieu commun (si il ne s'applique pas seulement aux cités) peut être vérifié en n'importe qu'elle circonstance, à chaque croisement de rue, devant n'importe qu'elle devanture, dans une simple cage d'escalier ou un couloir sombre et exigu.
Le bruit et l'odeur sont donc omniprésents, et pas seulement à Paris, dans les cités ou même au Burundi, mais également à Lyon, notre chère et bien aimée cité.
Mais serait-il venu s'inspirer dans nos quartiers, arpentant d'un pied aventureux et fébrile cet enchevêtrement de ruelles qui firent la gloire et la renommée des résistants, ou bien se serait-il frayé un passage un samedi après-midi dans cette artère commerciale cloîtrée par des murs teintés, et alimentée par une chute d'eau sans fin, ou encore est - il allé, en fin gastronome qu'il est, réveiller ses papilles gustatives devant une profusion de mets et autres délices culinaires ? Notre Président aurait-il lui aussi goûté au bruit et savouré l'odeur de nos ruelles et autres quartiers périphériques ?
Nullement ! Il est simplement monté, à l'image de ses nombreux et chers compatriotes, dans le bus n°1 qui rejoint la gare de Perrache au terminus de la ligne A du métro Bonnevay.

En effet, jusqu'à présent, soucieuse de notre confort, et dans le but d'égayer certaines matinées moroses et silencieuses (à croire qu'il n'y a pas d'étudiants qui fréquentent les lignes de bus, ou alors que ces mêmes étudiants ne sont pas très loquaces le matin…) la société TCL a doté ses autocars d'un équipement stéréo (non compatible avec une carte son SB 16 pnp), permettant ainsi à ses plus fidèles usagers d'écouter, les contrepèteries d'un imitateur sarcastique, les informations nationales sur le taux de pollution ambiant… et ce, suivant le goût et l'humeur de nos chauffeurs !.. tout en se rendant nerveusement (à croire que ce sont eux qui tiennent le volant !) sur leur lieu de travail.
Bref certains contestataires prétendront qu'il ne s'agit là que de bruit (un vulgaire fond sonore), grand bien leur fasse ! l'important c'est que nous puissions savourer cette douce mélodie qui nous prend comme une mer et nous entraîne loin de cette amertume quotidienne.

Mais si la TCL s'était juste contentée de nous agrémenter d'un menuet ou autre concerto pour flûtes et orchestre, en ré majeur, nous aurions pu trouver cela suffisant (en se disant que d'autres initiatives pourraient être par la suite envisagées). Encore une fois nous aurions sous-estimé les qualités de la TCL ; ainsi après le " bruit " celle-ci s'est mise en quête de trouver et diffuser la sainte odeur.
Tout comme ces navigateurs de la Renaissance s'en allaient chercher des épices, arômes et autres senteurs, ramenant ainsi une certaine touche d'exotisme de ces contrées et autres terres inconnues, la TCL se mit elle-aussi à vouloir nous impliquer dans cette recherche en nous soumettant jour après jour de douces et délicates émanations. Connaissant la finesse et la précision de notre conduit nasal, la société de transports lyonnais a donc tenté plusieurs expériences qui, si elles s'avèrent concluantes, s'étendront progressivement sur tout l'ensemble du réseau.
Comment participer à cette expérience ? rien de plus simple ! il suffit de choisir la ligne n° 1, de se tenir (assis ou debout, la TCL ne tient pas compte de ce facteur et estime qu'il ne peut en aucune mesure fausser l'expérimentation) à une distance relativement équidistante entre le fond du bus et sa moitié. Ceci étant fait, il ne nous reste plus qu'à savourer et inhaler de douces et délectables infusions, aimablement proposées par la TCL.
Notre odorat naturel se met donc au travail et identifie la nature de ce nectar volatile : " il s'agit somme toute .d'un mélange artificiel entre quelques graines de tilleul amalgamées à une autre graine exotique, communément appelée chanvre indien. Diantre ! "
Pour un premier test nous sommes gâtés, la TCL  a mis tout en œuvre pour titiller notre curiosité et nous forcer à réfléchir. Cette alchimie n'était pas évidente à discerner pour le simple usager, l'odeur était commune (malheureusement trop sentie !) mais on ne pouvait donner un nom scientifique à cette odeur. Certaines personnes au fond du bus semblaient elles aussi très intriguées par cette expérience et, tout comme nous, tentaient de discerner cette décoction en y goûtant tout bonnement.
Les gens étaient maintenant allongés pour savourer tranquillement cette bouffée salvatrice, mais ne souciaient malheureusement pas du désagrément provoqué par la déjection de ce smog vaporeux. Les occupants du bus ne semblaient pas dérangés par cette exhalaison puisqu'ils ne manifestaient nullement leur désapprobation (je parle bien sûr de ceux qui ne participaient pas à l'expérience). Je croyais que certaines personnes, désireuses d'emprunter les transports en commun dans de bonnes conditions, auraient fait part de leurs impressions et de leurs suggestions d'une manière hâtive, voire intempestive, mais rien de tout cela ne se fit.
L'expérience dura même un certain temps et nous sortîmes, arrivés à notre destination, pour le moins évasifs et folâtres.
Cette purification sensorielle nous avait transformés : une personne âgée, après être descendu de l'autocar s'en était allé dans une épicerie pour acheter cette senteur et l'adjoindre à sa tisane quotidienne, deux personnes marchaient de manière douteuse, une dame chantait sur une voiture et deux hommes étaient allongés sur le trottoir.
La TCL avait peut-être forcé un peu la dose….

Benoit Valenza